Spectroscopie : L'Alpy 600
En janvier 2018, l'association
Astronomie Gironde 33 (AG33), dans laquelle je suis
adhérent, fait l'acquisition d'un Alpy 600 avec modules de guidage et de calibration. Par manque de disponibilité et le
mauvais temps persévérant, je n'ai pu l'utiliser qu'au mois de mai 2018. Après un premier test hésitant, j'ai
obtenu dès la seconde utilisation des résultats prometteurs qui m'ont réellement
enthousiasmé. Ainsi, j'ai rapidement envisagé l'achat d'un Alpy complet, et passé commande à
Shelyak Instruments au mois de juin 2018.
Après avoir débuté,
goûté à la spectroscopie avec le Star Analyser, j'espérais que cette expérience me serait bien utile pour aborder
l'Alpy sous les meilleurs auspices... Ma pratique de ce dernier étant toute récente, cette page n'aura de cesse
d'évoluer avec le temps. Il s'agit ici de partager un véritable
coup de coeur...
- L'Alpy 600
- Configuration du matériel
- Acquisition des spectres
- Traitement des spectres
- Présentation et Exploitation des spectres
- Les Observations
L'Alpy 600
L''Alpy 600 est un spectroscope à fentes interchangeables développé et commercialisé par la société
Shelyak Instruments
. Pour disperser la lumière, l'Alpy 600 a été doté d'un
grism, élément optique composé d'un prisme et d'un réseau de diffraction de 600 traits/mm. Son pouvoir de
résolution à 650 nm est estimé à 600 et à 400 à 450nm. Pour une description complète de l'Alpy 600, de ses performances et
des différents modules, je vous invite à consulter la documentation technique appropriée sur le site de
Shelyak Instruments. D'autre part, d'excellentes pages concernant l'Alpy, le traitement des images
spectrales, ainsi que des retours d'expérience sont disponibles sur le Net. Je ne saurais que trop vous recommander celles
de Christian Buil, véritable
maestro en la matière, comme par exemple celle intitulée
Spectrographe Alpy 600 -
Performances. Créateur d'
Iris,d'
Isis, son
site est une véritable source
d'inspiration et d'enseignement, fourmillant de conseils, de tutoriels, de savoir-faire. C'est absolument
incontournable...
Début juillet 2018, j'ai réceptionné la commande passée à
Shelyak Instruments. Trois boites contenant chacune un élément (spectrographe, calibration, autoguidage) étaient
conditionnées dans un carton. Le tout était soigneusement et efficacement emballé.
L'assemblage des différents modules se trouve facilité par l'utilisation des outils fournis, très bien conçus.
L'ensemble des trois éléments réunis est léger, compact et parfaitement rigide, pas l'ombre du moindre jeu, pas de
doute, c'est du
good job !!!
Les premiers essais sur table et sur les étoiles n'ont, toutefois, pas été satisfaisants. La lampe Argon/Néon du
module de calibration semblait défectueuse.
Shelyak Instruments m'a rapidement envoyé un jeu de lampes en remplacement. Après échange de la lampe, le problème
de calibration a disparu et j'ai pu commencer à utiliser l'Alpy à son plein rendement.
Configuration du matériel
J'utilise l'Alpy au foyer de mon
Celestron 8, monté
sur le filetage du barillet arrière du C8 au moyen d'une bague au coulant 50.8mm (2"). La focale résultante est de 2
000mm pour un rapport F/D de 10, qui peut être ramener à 1 260mm avec le réducteur de focale x0.63.
La caméra d'acquisition des images spectrales est une CCD
Atik 314L+. Le
corps interne du spectrographe se visse directement sur la monture T (M42x0.75mm) de la CCD assurant ainsi une fixation ferme
et rigide.
Le guidage de la monture équatoriale est réalisé avec une webcam
ASI ZWO 178MM.
Une bague d'adaptation mâle M42/femelle C est nécessaire pour visser cette dernière sur le module de guidage.
L'ensemble, l'Alpy complet et les deux caméras, pèse 1,275 kg. Aussi pour optimiser l'équilibrage en
déclinaison du tube sur la monture, je fixe un poids de 1 kg sur l'avant de la queue d'aronde du télescope.
La monture utilisée est une
SkyWatcher EQ6
Évolution, pilotée avec
Cartes du Ciel
et
EqMod
. L'autoguidage est accompli avec
PHD2 Guiding
qui permet, en outre, l'affichage d'une fente virtuelle que l'on peut positionner aisément sur l'image de
la fente du spectroscope.
De suite après la mise en station, le chercheur du télescope est soigneusement réglé, bien qu'une fois la première
étoile synchronisée avec Cartes du Ciel et Eqmod, je ne l'utilise que rarement. Que ce soit dans mon jardin ou à Saucats,
le lieu d'observation d'AG33, j'alimente le matériel en 220 volts (monture, ordinateur, 3 adaptateurs 12 volts pour
la CCD, le module de calibration et les résistances chauffantes du pare-buée du C8).
Acquisition des spectres
Le bon déroulement d'une soirée spectro est lié à sa préparation. Trop souvent, je suis parti
à l'aventure avec le
Star Analyser,
passant d'une étoile à une autre sans aucune cohérence...
Aussi avant de commencer une session avec l'Alpy, je crée un
fichier texte avec le Bloc-note de Windows, accessible facilement sur le
bureau de l'ordinateur, regroupant les cibles sélectionnées, ainsi que les étoiles de référence de type A ou B qui
serviront d'étalon lors du traitement.
Pour la détermination des étoiles de référence, François Teyssier a développé un outil précieux et redoutable
d'efficacité,
ReferenceStarFinder
, une feuille de calcul au format XLSM, rassemblant une liste de 1044 étoiles de la séquence principale de type A et B.
Elle permet de choisir des étoiles de référence fiables à proximité des étoiles-cibles, dont les spectres sont parfois
présents dans la base de données
Miles Library
(catalogue d'observations réelles donnant des spectres à haute résolution). Elle fournit également une estimation de
l'excés de couleur. Bref, un outil indispensable pour mener à bien la préparation d'une soirée spectro...
Le site de François
Teyssier est d'ailleurs une véritable
mine d'informations utiles et passionnantes.
Avant de débuter les acquisitions d'images, le logiciel d'autoguidage
PHD2 Guiding est mis en route avec connexion de la monture EQ6 et de la webcam ASI ZWO 178MM.
PHD2 a une fonctionnalité très pratique pour la spectro, qui consiste en l'affichage d'une fente virtuelle.
Cette dernière est soigneusement ajustée sur l'image de la fente du module de guidage de l'Alpy (Menu
Affichage - Fente du spectromètre ou Position de la Fente ). La fente de l'Alpy, qui reste invisible si le ciel
est bien sombre, peut être mise en évidence au moyen d'une lampe placée à l'entrée du télescope. Après avoir choisi une
étoile-guide, la calibration de l'autoguidage peut commencer et une fois celle-ci achevée, un contrôle de quelques minutes
est effectué pour vérifier la qualité du suivi. Je n'hésite pas à recalibrer la monture suivant la direction visée. Cela ne
prend pas beaucoup de temps et le suivi n'en est que meilleur. Voici une
copie d'écran commentée de PHD2 Guiding en cours
d'utilisation.
Pour placer la cible sélectionnée convenablement sur la fente du spectroscope, je règle le temps d'exposition de
PHD2 Guiding en fonction de la luminosité de celle-ci pour qu'elle soit le plus ponctuelle possible. Ensuite, je
remonte le temps d'exposition (ou pas) pour sélectionner une étoile-guide puis j'envoie l'autoguidage.
Pour les acquistions des images spectrales, j'emploie Artemis Capture , le logiciel natif de l'Atik 314 L, ou Demetra, qui propose un module Acquistion, permettant de gérer la totalité de la session d'observation. Demetra est un logiciel libre, développé par la société Shelyak Instruments, optimisé pour l'utilisation de l'Alpy. Il est disponible sur leur site à cette adresse : https://www.shelyak.com/logiciel-demetra/. Je me sens plus à l'aise avec Artemis Capture, que je pratique depuis quelques années déjà ....
Pour contrôler l'exposition des spectres en cours d'acquisition, j'utilise les fonctions Coupe et Statistiques dans la fenêtre du logiciel d'acquisition et de traitement d'images AudeLA , issu de l'initiative d'Alain Klotz et de Denis Marchais. L'exposition recommandée se situe aux alentours de 80% de la dynamique du capteur de la CCD, soit 52 000 ADU pour l'Atik 314 L qui possède un niveau maximal de 65 535 ADU (voir le Guide pratique pour (bien) débuter en spectroscopie amateur de François Cochard - page 174). Voici une copie d'écran de la vérification de l'exposition d'un spectre réalisée avec AudeLA. La courbe donne une valeur supérieure à 55 264 ADU, ce qui reste convenable.
Les acquisitions des spectres peuvent alors commencer. D'abord, celles de l'étoile de référence avec des images de
PLU (flats) et de la lampe Ar/Ne, puis celles de l'étoile cible. En fonction du temps de pose, de dix à vingt images sont
alors enregistrées pour chacune d'entres elles au format
fit. À chaque étoile-cible, son étoile-guide donc aller-retour entre
PHD2 Guiding,
Artemis Capture et
AudeLA pour le contrôle de l'exposition. En outre, lors de pauses café, je lance des séries d'offsets et de
darks, mais ce n'est pas vraiment nécessaire, je dispose d'une
petite réserve dans ma banque de darks...
La soirée se déroule au gré d'acquisitions d'étoiles de références et d'étoiles cibles sélectionnées au
préalable. Le temps passe très vite...
Pour résumé, voici le détail d'une soirée de spectro :
• Montage, mise en température du matériel,
• Mise en station de la monture avec EQmod, réglage du chercheur du télescope,
• Démarrage, mise en température de l'Atik 314L,
• Mise en route de PHD2 Guiding, affichage et réglage de la fente du spectroscope (au moyen d'une lampe s'il le
faut),
• Pointage, mise au point, puis synchronisation d'une étoile connue avec Cartes du Ciel sur le capteur de la caméra
de guidage,
• Calibration de l'autoguidage avec PHD2, choix d'une étoile-guide,
• Contrôle de la mise au point sur l'aspect du spectre d'une étoile et de ses raies,
• Acquisition d'un premier spectre référence d'une étoile de type A ou B à proximité de l'étoile cible et
d'images de calibration, de flats,
• Acquisition de spectres de l'étoile cible.
Le traitement des spectres
Pour le traitement des spectres obtenus avec l'Alpy 600, j'utilise deux logiciels différents: Isis de Christian Buil et Demetra de Shelyak Instruments.
•
Isis
Christian Buil, le créateur d'Isis, met à disposition, sur son site, plusieurs tutoriels concernant l'Alpy 600,
indiquant pas à pas le process du traitement complet, de l'image jusqu'au profil spectral. C'est encore une fois
incontournable !!!.
Voici les principaux que j'ai utilisés et sans lesquels je n'aurais pu jamais rien faire :
Spectrographe Alpy 600 - Performance
Guide pour traiter les spectres Alpy 600
Résumé des méthodes d'étalonnage spectral applicables au spectrographe Alpy 600
•
Demetra
Une documentation complète est disponible sur la page
Demetra en version PDF et en anglais.
Voici quelques copies d'écran d'un traitement de spectres du Soleil réalisé avec
Isis :
Pour afficher les images en plein format - Clic droit + Afficher l'image
Traitement Isis Spectre solaire
En outre, en cochant
Loi de dispersion calculée dans l'onglet
2.Général d'Isis, une autre méthode de traitement tout aussi preformante est possible. C'est une méthode mixte
qui emploie pour l'étalonnage spectral, le spectre d'une étoile de type A ou B et la lampe Ar/Ne. Ce mode de
calibration utilise un assistant d'étalonnage spécifique disponible dans l'onglet
3.Étalonnage. Cette méthode est décrite dans les tutoriels de Christian Buil cités plus haut. Je l'utilise de plus
en plus avec la fonction
Assistant Réponse, disponible également dan l'onglet
3.Étalonnage.
Avant leur sauvegarde au format
dat ou
fit, les spectres sont
normalisés aux longueurs d'onde 6650/6700A, puis
découpés (3680A/7300A).
• Les logiciels
AudeLA
et
SpcAudace
permettent de gérer la totalité du process, de l'acquisition d'images jusqu'aux profils spectraux, en passant
par le contrôle de la monture, l'autoguidage etc... Sur le site de
Benjamin Mauclaire, de nombreux
tutoriels sont disponibles.
•
Visual Spec
, un programme développé par Valerie Desnoux, permet également le traitement complet des spectres avec de multiples
fonctionnalités très intéressantes. Je l'ai utilisé pour le traitement des spectres obtenus avec le Star Analyser avec
d'excellents résultats. C'est un logiciel que je continue à pratiquer, mais plutôt pour la présentation et
l'exploitation des spectres.
Pour conclure ce survol de mon utilisation de programmes de traitement des spectres, je dois dire qu'après avoir
obtenu de bons résultats avec un logiciel, comme
Artemis Capture ou ici
Isis, il m'est difficile de tout remettre sur la table et repartir avec un autre logiciel... Je vieillis
probablement...
La présentation et l'exploitation des spectres
Après traitement et sauvegarde au format dat ou fit des spectres avec Isis ou Demetra, plusieurs logiciels permettent d'en présenter et contrôler les résultats, d'en extraire des informations telles la nature des éléments chimiques d'une étoile, sa température et bien d'autres encore... Voici ceux que j'utilise :
•
Visual Spec
de Valérie Desnoux
Sauvegarde des profils spectraux avec graduations au format
png, Affichage d'un
bandeau coloré (Menu Outils + Synthèse), Recherche des éléments composant l'étoile (Assistant + Éléments),
Comparaison des profils spectraux (Assistant + Bibliothèque), Évaluation de la température (Radiométrie + AutoPlanck ou
Planck). De nombreuses fonctions de mesure sont également proposées par
VisualSpec.
•
Isis
de Christian Buil
Comparaison de spectres (Profil - Comparer), Informations sur le profil spectral (Profil - FWHM), Exportation des
spectres au format
png avec
Gnuplot
•
PlotSpectra
de Tim Lester.
Comparaison de spectres, Annotation des spectres, Enregistrement au format
png.
•
Demetra
de
Shelyak Instruments.
Affichage des spectres avec "Output + Open in a image viewer" avec copie d'écran éventuelle.
L'exploitation
scientifique des résultats reste plutôt sommaire, je suis avant tout dans une démarche de validation des performances
du set-up avec un questionnement sur la qualité de l'autoguidage (est-il suffisamment précis ?), sur la qualité des images
obtenues (l'étoile-cible est-elle bien positionner sur la fente du spectroscope ?), et bien sûr sur la qualité de la
réduction des données (le traitement est-il fiable ?, quelle confiance puis-je avoir en mes profils spectraux ?). La prochaine
étape va consister au partage des résultats pour les soumettre à l'analyse et à la critique d'astronomes avisés en les
publiant sur des forums spécialisés, dédiés à la spectroscopie tel que
Aras Spectroscopy Forum
, issu du site
ARAS (Astronomical Ring for Access to
Spectroscopy).
D'autre part et pour conclure cette page élémentaire, la collaboration entre astronomes amateurs et professionnels
est très active, ponctuée régulièrement par des rencontres
Pro/Am
, organisées par la SF2A (Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique) ou
Wetal
organisée par le CNRS et l'association AUDE. Le point d'orgue de ces collaborations est illustré par la
base de données BeSS qui regroupe des spectres
d'étoiles obtenues par des astronomes professionnels et amateurs, et qui est maintenue au laboratoire LESIA de
l'Observatoire de Paris-Meudon.