Un instrument de papier de Pierre Apian
Je vous propose, au travers de cette page, de faire un voyage dans le temps à la rencontre d'un mathématicien,
astronome et cartographe allemand de la première moitié du XVIe siècle, Pierre Apian.
Je travaille dans une bibliothèque universitaire qui abritait un fonds d'ouvrages anciens, dont certains
traitaient d'astronomie. Dans la réserve où flottait une odeur de papier vieilli, d'illustres auteurs se
côtoyaient au présent sur les rayonnages, malgré leurs profondes différences : Galilée n'était pas loin de
Sacrobosco, Riccioli de Copernic, Huygens de Newton... Une des mes fonctions était de leur apporter un peu de réconfort en
chassant la poussière qui voulait tant les recouvrir, et de redonner à leur cuir leur lustre d'antant. Bref, une tache
modeste comparée à leur savant et précieux contenu...
L'un d'entre eux,
La Cosmographie de Pierre Apian renferme dans ses pages d'admirables instruments de papier permettant de
résoudre des problèmes de type astronomique. C'est de l'un de ces instruments que je souhaite vous parler
maintenant.
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- Pierre Apian
- Cosmographicus Liber
- L'instrument de papier
- La cosmographie de Pierre Apian
- L'égalité de la latitude et de la hauteur du pôle sur l'horizon
- L'instrument et les neufs propositions : la première - la seconde - la troisième - la quatrième
- Suite des propositions : la cinquième - la sixième - la septième - la huitième - la neuvième - Conclusion
- Quelques notions d'astronomie et de trigonométrie sphérique
- Vérifications de la construction et le kit de l'instrument à monter
- Bibliographie et sites
Pierre Apian
Pierre Apian ou Petrus Apianus de son nom latinisé et de son vrai nom Peter Bienewitz ou Bennewitz est né en 1495 à
Leisnig en Saxe, état du Saint Empire romain germanique. De 1516 à 1519, il étudie les mathématiques et l'astronomie
à l'université de
Leipzig, enseignement qu'il poursuit à l'Université de
Vienne jusqu'en 1521, date à laquelle il obtient son baccalauréat. En 1522, une épidémie de peste lui fait
probablement quitter la capitale du Saint Empire. Il publie ses premiers ouvrages à Ratisbonne et à Landshut. C'est
dans cette ville du sud-est de la Bavière qu'il rencontre, en 1526, sa femme Katharina Mosner, fille d'un conseiller
de Landshut. Ils auront ensemble 14 enfants dont Philippe (1531-1589) qui deviendra un mathématicien et un médecin reconnu.
Il s'installe ensuite à
Ingolstadt
en 1526, avec sa femme et débute, avec son frère Georg, des travaux d'imprimerie. Il est nommé professeur de
mathématiques à l'Université d'Ingolstadt en 1527.
Pierre Apian devient l'un des plus brillants mathématiciens de son temps. Son œuvre recouvre de nombreux domaines
d'étude. Contemporain des voyages de
Magellan, il édite à Vienne en 1520 une
mappemonde cordiforme sur laquelle figure, pour l'une des premières fois, le nom
America
. Par la suite, il composera des traités de cosmographie, d'astronomie, de géographie, de mathématiques,
d'arithmétique, de constructions d'instruments et même d'astrologie... Il sera anobli par
Charles Quint à qui, il dédiera en 1540 son magnifique ouvrage intitulé
Astronomicum Caesarum, l'Astronomie des Césars. Malgré les sollicitations de diverses universités
européennes, il enseigne à l'Université d'Ingolstadt jusqu'à sa mort qui survient en 1552.
(Source :
La page de Kurt
Scheuerer).
Dans son ouvrage paru en 1715 Les éloges des hommes savans, tirez de l'histoire de M. de Thou, voici ce que Antoine Teissier (1632-1715) dit de Pierre Apian :
« Pierre Apian naquit à Leiznich, de la famille des Binéviciens. Or comme le mot byne signifie en allemand une abeille, on l'appella Apianus du mot Latin apis qui signifie une abeille. Il s'acquit une si grande réputation par son savoir, qu'il était consulté continuellement par les hommes doctes d'Allemagne, de France, d'Italie et d'Espagne, qui lui écrivoient et le visitoient pour avoir l'éclaircissement de leurs doutes.(...) L'Empereur Charles avait tant d'estime pour Pierre Apian, qu'il s'entretenoit souvent avec lui, qu'il l'ennoblit, qu'il le fit Comte et Chévalier, lui ayant donné des armes très honorables, savoir une Aigle à deux têtes qui voloit dans les nues. Il l'investit de quelques Fiefs, et il le récompensa magnifiquement, lorsqu'Apian lui présenta ses ouvrages.»
Cosmographicus Liber
En 1524, Pierre Apian redige un traité de cosmographie, de géographie et de chorographie (topologie) intitulé
Cosmographicus Liber. Après avoir défini ces trois matières, l'auteur présente l'astronomie
géocentrique des Anciens et particulièrement de
Claude Ptolémée à la manière d'un
Jean de Sacrobosco (auteur de
Sphaera Mundi ou Les sphères du Monde, rédigé vers 1230). Il propose également une
méthode innovante de détermination des longitudes à partir de la position de la Lune et des étoiles fixes, un mode
d'emploi pour la fabrication du
bâton de Jacob dans le but d'effectuer des mesures de positions d'astres. Il présente
ensuite diverses méthodes de calcul de distance de lieux à partir de leurs coordonnées géographiques, des descriptions
des quatre parties du monde et bien d'autres choses encore... L'ensemble est abondamment illustré par de superbes
gravures sur bois et accompagné de nombreuses tables numériques. L'ouvrage contient également un calendrier zodiacal
et quatre
volvelles
, remarquables instruments mathématiques de papier permettant de résoudre et d'éclairer les problèmes de
types astronomiques présentés au lecteur.
Cosmographicus Liber connaît un vrai succès
populaire au cours du XVIe siècle, avec la contribution dès 1529 du mathématicien
Gemma Frisius qui y apporte compléments et corrections. C'est réellement un ouvrage de vulgarisation
scientifique tant les sujets traités sollicitent le lecteur au travers d'applications pratiques à réaliser.
L'ouvrage connaitra de multiples éditions de 1524 à 1609 (plus de quarante) et sera traduit en de nombreuses
langues vernaculaires dont le français en 1544 et 1581 (Voir dans le
Bibliographe Moderne de mars-juin 1901 et de juillet-octobre 1901 l'article de F. Van Ortroy
Bibliographie de l'œuvre de Pierre Apian, géographe et astronome allemand du XVIe siècle).
Le titre de l'édition française de 1544 (
ici sur Archive.org)
est
« La Cosmographie de Pierre Apian, livre très utile traitant de toutes les régions et pays du monde par artifice
astronomique nouvellement traduit de latin en français ».
La version de 1581 est intitulée
« Cosmographie, ou description des quatre parties du monde, contenant la situation, division et étendue de chacune
région et province d'icelles écrite en latin par Pierre Apian ».
Lire ou consulter Cosmographicus
Des éditions numériques de
Cosmographicus Liber sont disponibles sur Internet, notamment sur
Archive.org ou sur
Gallica, le site des ouvrages numérisés de la
Bibliothèque Nationale de France.
De nombreuses bibliothèques municipales et universitaires le proposent, sur demande, à la consultation sous sa forme
papier. La Bibliothèque Universitaire des Sciences et Techniques (BUST) de l'Université de Bordeaux possède deux
exemplaires de l'ouvrage de Pierre Apian :
• un exemplaire en langue française,
Cosmographie ..., imprimé en 1581 à Anvers par Jean Bellère
(la page
de titre).
La date d'édition de cet exemplaire a visiblement été modifiée. En effet, il semblerait que deux chiffres
romains ont été rajoutés à la date originale « M.D. LXXXI. ». Sur
l'agrandissement suivant, il apparaît clairement que le point suivant le premier « I »
romain a été volontairement surchargé et transformé en un autre « I » romain, auquel succède un autre « I » romain
pour former la date « M.D. LXXXIII. ».
• un exemplaire en latin
Cosmographia ..., imprimé également à Anvers par Joannis Withagii (Jean Withaye ou Withagius)
(la page
de titre).
Les textes en français de la
Cosmographie, présentés dans cette page, sont extraits de l'édition de 1544.
Quant aux images, elles sont extraites de l'édition originale de 1524.