La troisième proposition
Pour trouver la hauteur ou élévation du pôle sur l'horizon pour chaque jour et pour chacune heure certaine du jour, si d'aventure vous êtes en quelque pays étranger. 1) Prenez pour cette heure la hauteur du soleil, comme il a été dit ci-dessus. Et puis les perpendicles ou plomb pendant droitement (mesure de la hauteur du soleil avec mise à niveau de l'instrument) 2) tournez et retournez l'instrument ou la figure jusqu'à ce que l'entretaillement (l'intersection) de l'heure prise et la ligne parallèle du degré du soleil, auquel il est en ce jour, soit menée ainsi droitement dessous le perpendicle du triangle, et 3) l'index ou trace de la roue, laquelle apparaît sur la circonférence ou périphérie de ladite roue, démontre la hauteur du pôle du lieu là où vous êtes alors. (hauteur polaire ou latitude donnée par la mesure de l'index sur l'arc gradué fixe de la figure) La manière comment l'on pourra parvenir à la connaissance de la hauteur du pôle par les étoiles de la nuit, nous l'enseignerons ailleurs.
• Pour calculer la latitude d'un lieu au moyen de l'instrument, la date et l'heure d'un jour sont
nécessaires ainsi que la longitude écliptique λ du Soleil du jour en question.
1) Mise à niveau et orientation de l'instrument vers le Soleil pour mesurer sa hauteur
2) Par rotation du disque mobile, réglage de l'heure et de la ligne parallèle de déclinaison du Soleil au
point d'intersection du fil à plomb du
Trigonus.
3) L'index supérieur du disque mobile affiche alors la latitude du lieu d'observation.
L'exécution de cette manipulation, délicate à réaliser à l'aide de l'ouvrage, permet au lecteur du
Cosmographicus Liber de découvrir le lien qui existe entre la latitude d'un lieu et la hauteur du Soleil pour
une heure et un jour donnés.
L'instrument se comporte comme un cadran solaire portatif capable de fournir la latitude de n'importe quel lieu
situé dans l'hémisphère Nord, à partir de la simple mesure de la hauteur du Soleil sur l'horizon.
La détermination de la latitude en pratique
Dans l'exemple ci-dessus, l'index Nord du disque mobile indique une latitude de 45°. Elle a été obtenue, lors
de l'observation, à partir, des éléments suivants :
• la mesure de la hauteur du Soleil sur l'horizon, qui est égale à 27,5°
• la date du jour qui peut être le 19 février ou le 24 octobre
• L'heure de la mesure qui peut être 10h du matin ou 2h de l'après-midi (heures vraies solaires)
Les deux premières propositions étudiées plus haut ont été mises à contribution, l'une pour la mesure de la hauteur du Soleil sur l'horizon et l'autre pour la détermination de la longitude écliptique (la ligne parallèle correspondant au jour de l'observation). Ensuite, par rotation du disque mobile, il faut placer la ligne parallèle du jour choisi et l'arc horaire de l'heure de la mesure à l'intersection du fil à plomb du Trigonus. L'index de l'instrument affiche alors la latitude du lieu ou hauteur du pôle sur l'horizon.
Voici une autre représentation de cette manipulation:
L'instrument de papier fonctionne comme un cadran solaire dit universel, utilisable sous n'importe quelle latitude. Les heures lues sur le disque mobile sont des heures solaires vraies.
- • Le support fixe représente la sphère locale de l'observateur défini par la verticale du lieu (Zénith-Nadir) et la ligne horizon Nord-Sud. La représentation classique avec le zénith en haut de la figure a subi une rotation anti-horaire de 90°.
- • Le disque mobile représente la sphère céleste dont le plan est défini par l'axe des poles célestes et l'équateur céleste. Les lignes parallèles de déclinaison décrivent le parcours annuel du Soleil sur le cercle écliptique et les arcs horaires son parcours journalier.
- • La projection de la position du Soleil, à l'heure et au jour l'observation, se situe à l'intersection du fil à plomb, de la parallèle de déclinaison 0° et de l'arc horaire 10h/2h.
- • Le fil à plomb du Trigonus est perpendiculaire à la verticale du lieu. Il matérialise l'almucantarat de 27,5° de hauteur sur lequel le Soleil se trouve à l'heure de la mesure.
- • L'intersection de cet almucantarat avec la ligne parallèle de déclinaison δ = -11°28' forme un angle égal à la co-latitude θ du lieu (θ = 90° - φ).
- • La latitude φ, affichée sur le cadran gradée, est égale à l'angle formé par la verticale du lieu et l'équateur céleste et à l'angle formé par le pôle Nord céleste et l'horizon Nord.
- • La co-latitude θ est l'angle complémentare à la latitude φ.
Comparons les données fournies par le logiciel
Cartes du Ciel à la date du 19
février pour une latitude de 45°:
① Nous sommes bien le 19 février, mais il 10h16m24s en Temps Universel
② L'angle horaire du Soleil est 22h, soit 10h du matin en Temps solaire vrai.
③ La longitude écliptique du Soleil est de +330°11'53'' qui correspond, à 11 minutes d'arc près,
à la position 0°
du calendrier zodiacal de la volvelle.
④ La déclinaison du Soleil -11°28'44'' correspond à la parallèle de déclinaison interceptée par le
fil à plomb du
Trigonus.
⑤ La hauteur (ou altitude) du Soleil est de +27°26'59.1''
Les données fournies par le logiciel Cartes du Ciel sont conformes à celles obtenues avec l'instrument.
Nous remarquons que l'angle horaire du Soleil donné par Cartes du Ciel correspond à l'heure de la volvelle.
Les arcs horaires de celle-ci expriment la marche journalière du Soleil en temps solaire vrai. La différence de plus de 16
minutes entre l'heure de l'instrument (10h) et l'heure de la montre (10h16m24s TU) exprime l'équation du
temps, différence entre la marche vrai du Soleil et sa marche moyenne adaptée pour mesurer le temps de nos montres. Nous
reviendrons plus tard, à la cinquième proposition, sur ces différentes notions concernant la mesure du temps que sont le
temps solaire vrai, le temps moyen, l'angle horaire, l'équation du temps etc..
Quelques détails sur la construction de l'instrument
Pour réaliser son instrument, Pierre Apian a utilisé une projection orthographique de la sphère céleste sur le plan méridien appelée analemme. Dans le premier chapitre de son ouvrage « De l'analemme aux cadrans de hauteur », Yvon Massé en fournit le détail complet. En voici le résumé :
Partons du triangle sphérique de position constitué sur la sphère céleste locale par le pôle Nord céleste P, le
zénith du lieu Z et l'astre S, ici le Soleil.
Le méridien du lieu d'observation forme le plan de la figure. C'est le grand cercle passant par l'axe des
pôles célestes et la verticale du lieu ZN (zénith-nadir).
Les trois côtés du triangle sphérique sont :
• l'arc PS, distance polaire p du Soleil avec p = 90° – δ
• l'arc PZ, colatitude θ du lieu avec θ = 90° – φ
• l'arc ZS, distance zénithale z du Soleil avec z = 90° – h
Dans l'exemple ci-dessus du 19 février ou du 24 octobre, avec une hauteur mesurée du Soleil de 27,5°, une
déclinaison δ = –11°28' et une latitude φ de 45° on obtient :
• p = 90° – δ = 90° + 11°28' = 101° 28'
• θ = 90° – φ = 90° – 45° = 45°
• z = 90° – h = 90° – 27,5° = 62,5°
L'angle horaire H du Soleil est donné par l'angle ∠ZPS.
Nous pouvons maintenant construire la projection géométrique, l'analemme, qui va permettre, comme l'écrit Yvon Massé « de déplier le triangle sphérique sur le plan du méridien ».
L'orientation de la construction reprend celle de l'instrument
• Traçons le cercle méridien de centre O
• Plaçons le point zénith Z sur le cercle méridien
• Ensuite, traçons le point pôle Nord céleste P tel que l'angle
∠ZOP = θ = 90° – φ = 45°.
• Puis traçons les segments [OZ] et [OP] que nous prolongeons pour obtenir la verticale ZN du lieu et l'axe des
pôles PP'.
• Nous pouvons tracer également la ligne horizon perpendiculaire à ZN et l'équateur celeste perpendiculaire à
PP'.
• Plaçons le point So_h tel l'angle
∠ZOSo_h = z = 90° – h = 62,5°.
• Puis traçons la corde [So_h,So'_h] perpendiculaire à la verticale ZN. Ce segment représente
l'almucantarat du Soleil de 27,5° de hauteur. Nous avons vu que sur l'instrument de papier, le fil à plomb du
Trigonus matérialise cet almucantarat.
• Ensuite, traçons le point So_δ tel que l'angle
∠ZOSo_δ = p = 90° – δ = 101° 28'.
• Nous pouvons tracer la corde [So_δ,So'_δ] perpendiculaire à l'axe des pôles pour obtenir la parallèle
de déclinaison δ = – 11° 28'.
• Chaque élément du triangle sphérique de position a été projeté orthogonalement sur le plan méridien. Le
triangle sphérique a été ainsi déplié.
• La projection de la position du Soleil se trouve à l'intersection des cordes [So_h,So'_h] et
[So_δ,So'_δ] au point S'.
Pour finaliser la construction de la figure et calculer l'angle horaire H du Soleil, nous allons procéder au
rabattement de la parallèle de déclinaison δ = – 11° 28'.
• Plaçons le point Q à l'intersection de la ligne des pôles célestes PP' et de la corde
[So_δ,So'_δ] qui constitue, comme nous l'avons vu, la parallèle de déclinaison δ = – 11° 28'.
• Du centre Q, traçons le demi-cercle de diamètre So_δ,So'_δ.
Nous venons de rabattre par rotation la parallèle de déclinaison δ = – 11° 28'.
• Puis du point S', élevons une droite perpendiculaire à la corde [So_δ,So'_δ] en direction du
demi-cercle So_δ,So'_δ.
• Le point d'intersection entre cette perpendiculaire et le demi-cercle So_δ,So'_δ permet d'obtenir la
position du Soleil S sur la parallèle de déclinaison que nous venons de rabattre.
• L'angle horaire H du Soleil est calculé depuis le point So'_δ, point situé sur le méridien supérieur
(côté Sud) et correspond à l'angle ∠SQSo'_δ.
• La mesure de l'angle ∠SQSo'_δ calculée par Geogebra est de 29,6384°. La conversion en heures donne :
29,6384°/15° = 1h 58m 33s.
• Étant donné que le point So'_δ marque sur le cercle méridien l'angle horaire 0 h, c'est à dire le
midi solaire, nous pouvons calculer l'heure solaire t du point S : t
S = 12h - 1h 58m 33s = 10h 1m 27s. Le résultat est très proche, à 1m27s près, de l'heure obtenue plus haut
avec l'instrument.
La mesure de la hauteur méridienne du Soleil
Les manipulations de la troisième proposition illustrent une méthode de détermination de la latitude qui était
utilisée au Moyen Âge et à la Renaissance aussi bien par les astronomes-astrologues que par les pilotes des navires
sillonnant les océans.
Elle consiste à mesurer la hauteur du Soleil à sa plus haute culmination lors de son passage au méridien d'un
lieu. Cette mesure est appelée
mesure de la hauteur méridienne du Soleil, que nous noterons h
m.
Une formule permet, à partir de cette mesure méridienne, de calculer la latitude d'un lieu : h m = 90° – φ + δ
Le cercle méridien H
NordPZEH
Sud forme le plan de la figure ci-contre.
Nous avons :
• h
m = hauteur du Soleil lors de son passage méridien
• φ = latitude du lieu
• δ = déclinaison du Soleil ou hauteur du Soleil sur (ou sous) l'équateur céleste.
• 90° – φ = co-latitude θ
Pour déterminer la latitude d'un lieu, il suffit d'inverser les termes de la formule qui devient:
φ = 90° – h m + δ
Notons que c'est la distance zénithale du Soleil ou le complément 90° – h
m de sa hauteur h qui sert à la mesure et non la hauteur elle-même.
Reprenons les paramètre de notre mesure du 19 février, mais avec la mesure de la hauteur du Soleil à son passage au
méridien (cf. plus haut les données fournies par le logiciel Cartes du Ciel) :
• la hauteur méridienne h
m du Soleil est de +33°37' (
⑥ culmination) soit env. +33,6°
• la déclinaison δ du Soleil est de -11°28' (donc sous l'équateur céleste) soit env. -11,5°
Remplaçons les termes de la formule φ = 90° – h
m + δ
φ = 90° – 33,6° + (–11,5°)
φ = 44,9°
La différence est de 0,9° soit 6' d'arc entre la latitude calculée avec les données de Cartes du Ciel et la
latitude relevée sur l'instrument.
Le jour de l'équinoxe de printemps ou d'automne, lorsque la déclinaison du Soleil est nulle, la mesure de la hauteur méridienne h m du Soleil permet d'obtenir la latitude du lieu de l'observation. En effet, la formule φ = 90° – h m + δ se simplifie et revient à φ = 90° – h m